2019, l’année de mes 50 ans. Après avoir participé à l’Ironman de Nice l’année dernière (un an plus tôt que ce que j’avais en tête), il fallait que je fasse quelque chose de spécial.
Avec le club, un consensus avait été trouvé en automne 2018 autour de l’épreuve de l’Ironlake (le 23 septembre 2019), un nouveau triathlon en Belgique (autour du lac de l’eau d’heure) qui propose un format L (1900m de natation, 90km de vélo, 21km de course à pied) et XL (le double dans chaque discipline !). Le club y sera représenté en force, sur le L comme sur le XL. Je m’étais inscrit dès le premier jour sur le XL, avec Jérôme et Maxime. Il s’agit d’une première édition dont on dit qu’elle pourrait être reprise l’année prochaine par la société Ironman pour en faire justement l’Ironman de Belgique.
Voici donc l’objectif phare en point de mire pour 2019, de quoi organiser la saison d’entraînement et définir des épreuves intermédiaires : le marathon du Louvre en mai, le triathlon half de Troyes début juin, la Transbaie fin juin, le trail de Montgenèvre (48km, 2600D+), près de Briançon, pendant mes vacances d’été, le trail d’Embrun une semaine plus tard (25km, 1200D+) en optionnel selon l’état de récupération, et le trail de la Côte d’Opale début septembre (21km). Ayant accumulé suffisamment de points en 2018 pour prétendre à participer à l’OCC (trail de 56km/3500D+ dans le cadre de l’UTMB), j’avais également tenté de m’y inscrire, mais le tirage au sort n’a pas voulu de moi… pas grave, je pourrais réessayer l’année prochaine, et le programme de cette année est déjà bien chargé.
Les jalons étant posés, c’est parti pour l’entrainement. A vrai dire, celui-ci ne s’était pas vraiment arrêté suite à Nice, mais le fait de connaitre son objectif principal permet de donner le cap et trouver la motivation pour l’entrainement.
Enfin, motivation, tout dépend pour quoi. Les mois passent, et force est de constater que je ne suis pas super assidu aux entrainements de natation. Je suis piètre nageur, et je ne prends aucun plaisir à nager dans des piscines bondées. J’ai l’impression de ne pas progresser, ce qui ne me motive pas…. Qui plus est, j’ai horreur des exercices d’intensité en natation (l’impression de mourir noyé à chaque fois) qui pourraient m’aider à progresser… bref, la roue infernale…
A l’inverse, la course à pied reste un plaisir, avec des entrainements réguliers le midi au boulot, ainsi que le vélo. D’ailleurs, depuis le printemps, changement de rythme en prenant le parti de faire du vélotaf, soit 50km par jour sur un VTT assez lourd (sacoches…). Je me dis que cela contribuera aussi à mon entrainement par un travail de fond. Qui plus est, cela permet de trouver plus facilement les occasions d’enchainer avec de la course à pied. Pas de plan d’entrainement à suivre à la lettre, je n’aime pas ces contraintes. J’ai en vue la charge d’entrainement qu’il faut. Je le fais à l’envie, mais sérieusement. On verra si ça passe…
Le mois de mai se profile avec son marathon (coucou Jean-Christophe, Jérôme, Samuel, François & Sandra). J’ai réorienté les entrainements en vue de cet objectif. Je suis confiant, en espérant progresser. 3h45 me semble possible… mais au final non. Si j’arrive à améliorer mon temps, ce n’est que de quelques secondes, en restant au-dessus des 4h (4h02) faute à ce satané mur des 30km… En tout cas, sympa de retrouver du monde à l’occasion de cette course.
Début Juin et son half à Troies (coucou Jérôme, Vincent et Franck). En fait il s’agit plus d’un format hybride, avec 2700m de natation, 80 de vélo et 21 de course à pied. Moi qui ai quasiment déserté les piscines ces derniers temps, je suis mal barré. Quelques séances juste avant en mode bachotage quand même, pour me rappeler que je n’aime pas ça… Toutefois, une révélation pendant cette épreuve : j’ai apprécié nager en eau libre dans ce lac. C’est même la partie de l’épreuve que j’ai préférée (en même temps, c’était jour de canicule…)
Je me dis que je terminerai ma préparation natation pendant mes vacances d’été, à proximité du lac de Serre-Pençon. Plus sympa que la piscine…
Fin juin et la transbaie (coucou Elise). Bon, pas de prépa spécifique là-dessus. Il s’agit juste d’une course un peu folle, en mode plaisir. Par contre se profile au début de mes vacances d’été (près d’Embrun) un trail de 49km et 2600 D+ à Montgenèvre. Parmi les plus gros sur lesquels je me suis aligné. Aussi, je commence à faire quelques séances de côte (escaliers, terrils…). C’est tard pour s’y mettre, mais c’est compliqué de tout travailler en même temps. J’avance par petite touche dans chaque discipline. De toute façon, je ne vise que le statut de finisher.
Le trail se passe bien, dans des paysages de montagne superbes. La récupération également, puisque je reprends les activités physiques dès le lendemain. Notamment une série de sorties longues de natation matinale dans le lac, sur fond de lever du soleil…
Ce trail s’étant bien passé, je décide de m’inscrire à l’EmbrunTrail (25km, 1200D+) le dimanche qui suit. Je ne sais pas quand exactement a germé l’idée de participer à l’Embrunman, mais cela faisait 1 semaine que j’étais plongé dans un environnement propice : vacances et entrainements dans la région, discussions avec des locaux… et 2 copains de club et de boulot (Jérôme et Marc) qui y étaient déjà inscrits. Bref, j’ai passé la durée du trail à gamberger sur mon inscription. Qui plus est l’arrivée se faisait au bord du lac, là où serait installé le parc à vélos. Je me donnais encore quelques jours de réflexion, le temps de tester les parcours vélo et course à pied, et de me rassurer sur la natation.
Le test du parcours vélo fut… compliqué. Effectué un jour de canicule, j’ai souffert de la chaleur et de la déshydratation au point d’en être malade. Mais qu’importe, j’avais déjà pris la décision (en fait avant même de tester le parcours). Une chose était sûre : cela allait être compliqué, et j’allais être limite sur les barrières horaires. Je n’avais pas eu cette préoccupation à Nice, mais le niveau est tout autre…
Bon, restait le gros morceau : annoncer ce projet à ma femme, et lui expliquer qu’il me faudrait revenir sur Embrun 10 jours après être rentrés de vacances. Surprise, puisqu’après quelques jours de réflexion de son coté, elle m’annonçait qu’elle m’accompagnerait. Super nouvelle quand on sait combien la réussite à ce genre de projet ne tient pas que de la condition physique, mais aussi de la condition mentale. Nous avons tous les deux pu nous en rendre compte pendant l’épreuve, en observant sur la partie course à pied les personnes solitaires et celles qui étaient accompagnées par leurs proches. Mille mercis à toi Frédérique.
Inscrit sur le tard, c’est donc sans préparation spécifique que j’allais m’aligner à cette épreuve mythique, bien que tout de même préparé à affronter l’Ironlake un mois plus tard. De toute façon, je ne pensais pas être plus prêt dans ma préparation physique avec 1 mois de plus. Donc Go !
Les 3 semaines qui restaient ont surtout servi à organiser la logistique, effectuer quelques modifications sur le vélo (nouveaux pneus, montage d’une cassette 11/32 avec un prolongateur de chape…), préparer la partie alimentation/hydratation de course, et me projeter dans la course et ses barrières horaires. Je n’étais pas confiant du tout sur ce plan là, au point que j’avais imprimé sur mon cadre les temps de passage max théoriques, et ceux qui étaient éliminatoires.
Sur le plan de la préparation physique, les jeux étaient faits, et ce n’était pas en 3 semaines que cela allait changer. Il me restait une semaine de vacances-rando à faire autour du mont blanc, de quoi profiter de l’oxygénation. Enfin, je l’espérais…
Quelques jours plus tard, je me retrouvais donc à Embrun pour le premier cut off à passer : celui du retrait des dossards, avec 3 heures d’avance sur l’heure limite, juste après un long trajet en voiture. Je ne le savais pas encore, mais c’est la marge la plus confortable (et de loin) que j’aurais pendant l’épreuve. Je retrouvais ensuite Jérôme pour entrer dans le parc à vélo et nous enregistrer, selon un protocole maintenant bien familier. Juste le vélo à déposer, et prendre la caisse pour préparer toutes les affaires à amener au petit matin le lendemain.
Le départ étant prévu à 6h00, il convient de rentrer rapidement au logement (à 30mn de là quand même, mais difficile de trouver mieux en s’y prenant à la dernière minute) pour préparer le contenu de la caisse et se coucher tôt (levé prévu à 3h30 !)
Cette partie de logistique est toujours un casse-tête. Ne rien oublier des affaires nécessaires aux 3 sports enchainés, et les organiser pour que les transitions durent le moins de temps possible (cela restera toujours un défi pour moi).
Cette fois-ci, casse-tête supplémentaire, car la trifonction du club ne me semble pas adaptée à un format XXL. La peau est assez light, et ayant déjà eu du mal avec un cuissard traditionnel pendant mon test du parcours, je ne me vois pas faire la partie vélo avec. Pourtant, j’ai tout de même envie de porter les couleurs du club pendant la course à pied, et là, la trifonction est plus adaptée. J’opte donc pour un départ natation combinaison/maillot de bain, changement en cuissard vélo pendant la transition T1, puis changement en trifonction pendant la transition T2.
Bien évidemment, je sais que cela ne va pas améliorer mes temps de transition, mais le confort avant tout sur ce type d’épreuve.
Le réveil sonne après une courte nuit et un sommeil pas trop agité. Étrangement, le stress d’avant course que je ne connais que trop bien n’est pas trop présent. Je sais à quoi m’attendre et je visualise bien l’épreuve. Petit-déj et en route pour embrun. Dur dur aussi pour ma femme, qui doit subir ces horaires malgré les vacances. La journée sera longue pour elle également.
Sur place, trouver une place de parking commence à relever du défi. C’est 45mn avant la course que je me retrouve dans le parc à vélo. Un coucou à Jérôme déjà sur place, puis préparation du vélo (regonflage des pneus, sacoche de nutrition, gourdes…), organisation des affaires dans l’ordre d’utilisation, enfilage de la combinaison… et il est déjà largement l’heure de rejoindre la masse vers la plage. Il fait encore nuit, nous sommes encore parqués dans l’enceinte du parc à vélo, et une foule importante se trouve de l’autre côté des barrières. En file indienne, ce sont 1100 triathlètes en bonnet blanc qui accèdent à la plage. Le départ des femmes vient d’être donné, à 5h50. Encore 10mn à attendre et ce sera notre tour. Malgré la musique, le speaker, le claping… j’ai l’impression d’être dans une bulle de concentration. Pas (trop) de stress. Pulsations à 110, un peu d’excitation quand même. Je ne redoute plus cette épreuve. J’ai pu nager plusieurs fois cette distance en eau libre pendant les vacances, histoire de dédramatiser. Et ça marche. Je sais que je peux le faire, à mon rythme bien entendu.
Et c’est parti. Je me suis mis volontairement derrière pour échapper à l’épreuve de la machine à laver
Je marche tranquillement derrière la masse, et une première image forte de la journée me frappe. Celle de centaines de triathlètes déjà dans l’eau, en train de nager dans l’obscurité. Magnifique.
Allez, c’est à mon tour de commencer à nager… Et ça se passe bien. L’eau est bonne (22°), et je suis bien à l’abri des fous furieux situés à l’avant. Cela n’empêche pas un coup de coude dans la joue, mais le gars se retourne pour s’excuser. Pas de mal… 2 tours de bassin sont prévus en longeant de grosses bouées jaunes à laisser sur sa gauche. De toute façon, il suffit de suivre les autres, en prenant soin tout de même de redresser la tête régulièrement afin d’ajuster la direction (on a vite fait de faire de la distance inutile). Je ne suis pas essoufflé, j’ai rapidement posé ma nage. Je suis satisfait. Le passage au-dessus d’algues permet de s’apercevoir de l’allure à laquelle j’avance. C’est super… A ce moment-là, je me dis que c’est mon jour. Je me sens bien…
Le 2ème tour s’annonce, toujours aussi bien. J’ai pris la mauvaise habitude de ne nager qu’avec les bras pour limiter la fatigue des jambes. Elles en verront d’autres très prochainement. Je m’efforce toutefois d’effectuer quelques battements afin d’éviter un phénomène de crampe que j’avais sur la sortie à l’australienne lors du tri de Troyes. Pas de sortie à l’australienne d’ailleurs à Embrun. Étrange, mais bon, c’est plus facile comme cela finalement.
Et 1h28 après le départ, me voici sorti de l’eau. La remise en position verticale est toujours délicate. La foule est toujours là. Direction parc à vélo, où je me répète ce que je dois faire : enlever la combi, prendre mon cuissard, aller jusqu’à la tente où je pourrai me changer. Ma femme m’avouera avoir souri en me voyant courir en maillot de bain un sac à la main, dans le sens opposé des autres compétiteurs. Avec le recul, j’ai perdu quelques précieuses minutes à vouloir faire ce changement de tenue dans les règles. La prochaine fois, je le ferai depuis ma place, ou bien tout simplement, je nagerai avec mon cuissard de cycliste sous la combinaison (à tester tout de même son temps de séchage).
C’est donc après un temps très confortable de plus de 11mn que je sors du parc, le vélo à côté de moi. No comment…
La partie vélo démarre de suite (c’est-à-dire au bout de 200m !) par une montée de 8km à 6%, histoire de se mettre en jambe. Le sachant, j’avais gagné du temps pendant ma transition (sic !) en ne mangeant pas tout de suite, sachant que j’aurais un peu de temps pendant cette montée. Je dépasse assez rapidement quelques vélos arrêtés pour cause de crevaison. Vraiment pas de bol. Également ce couple dont la femme est déjà en difficulté (peut-être aussi suite à une natation difficile) et qui annonce à son partenaire qu’elle n’y arrivera pas (et en effet, je confirme qu’elle n’avait encore rien vu).
La première partie du parcours se passe correctement. Il s’agit d’une boucle de 40km, 800D+ qui revient sur Embrun, pour ensuite partir sur une 2ème grande boucle qui passera par l’Izoard. Le point de passage sur Embrun est juste fabuleux. C’est ma deuxième image forte de la journée. Au niveau d’un grand rond-point à l’entrée de la ville, une foule (dont ma femme) est présente de chaque côté de la route où les cyclistes passent sous les acclamations, les spectateurs s’écartant à notre passage. L’impression de vivre une étape du tour de France… Un grand kif, même si la solitude revient vite.
Depuis le début, je surveille régulièrement mes temps de passage. Comme je l’ai dit, l’épreuve comporte plusieurs barrières horaires intermédiaires (en vélo comme en course à pied), et je sais que cela va être compliqué pour moi. Les organisateurs ont également indiqué des horaires intermédiaires mais non disqualificatifs. Bon, la première barrière est située en haut de l’Izoard, à 98km de course. Ce n’est pas pour tout de suite… Je suis parti en vélo avec 30mn d’avance, et sur cette première partie faite en 1h50, j’ai gagné 15mn. Pas de quoi gagner la course, mais ça me va. Je suis donc confiant pour la suite
La suite se passe correctement. Depuis le début, je saute les ravitaillements. J’ai pris suffisamment de solide et liquide avec moi, et cela permet de gagner quelques minutes encore. Le paysage est superbe, et emprunte les gorges du Guil. Et puis arrive un fameux virage à gauche, vers Izoard. A ce moment, j’ai encore gagné un peu de temps. Je suis à 55mn au-dessus de la barrière horaire, et j’ai eu l’impression de doubler plus que d'être doublé. Tout va bien.
L’ascension s’avère compliquée pour moi. J’ai la sensation de me faire dépasser par les autres. J’avance comme je peux, de toute façon, c’est dur pour tout le monde. Les % dans l’Izoard sont importants (9% en moyenne), je le savais… Et l’heure tourne… Je dépasse quelques gars en train de marcher. A l’approche, plusieurs compagnons commencent à s’inquiéter sérieusement de l’horaire. En effet, l’avance semble avoir fondue. Ce n’est qu’avec 20mn d’avance que je parviens au sommet. C’était une barrière éliminatoire. Ça passe, mais c’est juste. Je profite néanmoins du ravito. J’y reste 10mn (ma première halte depuis le début) pour prendre un sac de ravito perso déposé au départ (chips et gaufre au miel), pour m’hydrater et remplir les bidons, et mettre un coupe-vent afin d’aborder la descente.
A ce moment, j’en suis à 7h de course, un peu plus de 5h de vélo pour 100km et une grosse partie de dénivelé réalisé. Et pourtant, les quelques retours d’expérience que j’ai pu lire sont concordants sur le fait que la course commence seulement maintenant. Très rassurant alors qu’une crampe à la cuisse a commencé à se manifester dans la montée et que je n’ai plus que 10mn d’avance sur le planning.
A partir de maintenant, c’est 20km en descente jusque Briançon. Je ne suis pas (non plus) un grand descendeur, et je me fais pas mal doubler. Cela ne m’inquiète pas forcement, mais la masse de cycliste derrière moi a dû fondre du fait de la barrière horaire. Retour en voiture balais sans doute pour eux. En bas, je m’arrête pour retirer le coupe-vent, car c’est intenable avec la chaleur. J’en profite pour faire un point de situation : je suis à 10mn au-dessus de la barrière horaire. Le choc ! Virtuellement éliminé de l’épreuve. Je n’ai visiblement pas le niveau attendu sur cette épreuve de montagne. Grosse baisse au moral : ça va être très dur pour remonter, je ne fais que perdre du temps depuis le début de l’Izoard. Je risque d’être éliminé sans avoir « la chance » de pouvoir entamer la course à pied, domaine où je suis un peu meilleur que sur les 2 autres disciplines. Je sais aussi ce qui va arriver en terme de difficultés. Bref, pas le meilleur moment de la journée. Néanmoins, je repars en faisant au mieux. Le prochain point de contrôle est dans 50km…
Les crampes aux cuisses sont maintenant bien installées et juste avant d’aborder le mur de Pallon (12% sur 2km, quasiment en ligne droite), je m’arrête pour m’étirer. Pas le choix de toute façon. J’en profite pour faire un point de situation : j’ai maintenant 30mn d’avance. Incroyable. Certes je me suis bagarré, j’ai doublé, mais pas possible d’avoir gagné autant. Il doit donc y avoir une mauvaise estimation des temps intermédiaires, à moins que ce ne soit le temps gagné sur les ravitos (je ne m’y arrête pas). Quel que soit la raison, l’imprécision sur la barrière est inquiétante car en zone limite comme je suis, la bascule d’un côté ou de l’autre peut être rapide. Il ne s’agit donc pas de s’endormir.
Je crains un peu le mur de Pallon car j’en ai fait les frais durant ma séance de repérage 3 semaines plus tôt. Elle m’avait rendu malade (au sens propre), par manque d’hydratation. C’était aussi en pleine canicule.
J’ai à dispo de l’eau fraiche, et je bois et m’asperge. La montée est aussi dure que dans mes souvenirs. Je retrouve peu après la fontaine où je m’étais arrêté il y a 3 semaines pendant près d’une heure. Heureusement, je suis en meilleur état. Je remplis juste les gourdes d’eau fraiche, et c’est reparti. Ça redescend un peu après mais le vent se fait bien sentir, la descente en devenant d’ailleurs dangereuse. C’est avec soulagement que je rejoins la zone de l’aérodrome, un peu plus plate. Mais ce n’est pas gagné car à cause de ce satané vent, j’arrive à peine à 20km/h sur le plat et sur prolongateurs. Je ne l’ai pas indiqué, mais le drafting est totalement interdit sur ce genre d’épreuve. Il s’agit donc de lutter en solitaire. En même temps, les concurrents sont rares, je suis en queue de course…
Retour également dans la circulation. Les routes ne sont pas fermées, mais bénévoles et forces de l’ordre sont là pour nous faire passer en priorité. Grand merci à eux.
J’ai maintenant 6mn de retard sur l’horaire (donc encore virtuellement éliminé). Le prochain contrôle est dans 15km. Ne pas trainer donc. Je vois passer la voiture (enfin, le bus) balais avec sa remorque de vélos. J’espère ne pas devoir y entrer… Je passe devant un ravito sans m’arrêter. C’est quitte ou double…
J’arrive sur la zone du contrôle (+/- 1 km) sans le distinguer. D’après mes estimations, j’ai maintenant environ 10mn d’avance. Le prochain point de contrôle se situe à l’arrivée. Allez, go ! Et la suite, je la connais bien pour l’avoir testée il y a 3 semaines. La côte de Chalvet (appelée « la bête ») qui monte depuis Embrun vers ses hauteurs. 5 km à 7% en moyenne (parfois 12%) après 177km et 3400m de D+ déjà parcourus. Le parcours croise alors brièvement la partie course à pied. Et ils y sont nombreux. J’imagine leur surprise de voir encore des vélos à cette heure là ! La côte est interminable. J’en vois certains qui montent à pied. Arrivé en haut, pas le temps de m’arrêter au ravito. J’ai encore un peu d’avance. Reste une descente dangereuse qui enchaine quelques épingles à cheveux sur une route en mauvais état. Ça devrait le faire, mais prudence. Je termine le vélo avec 11 mn d’avance sur le cut-off. Ouf, c’est fait. J’ai décroché le droit de prendre le départ de la course à pied. Je prends vraiment cela comme un privilège alors que je me suis vu éliminé. Je viens de gagner 2h00 de crédit temps, pour entamer la première des 3 boucles de 14km du marathon.
Alors que j’arrive, j’entends le speaker annoncer l’arrivée du 20ème finisher. Quant à moi, j’ai juste un marathon à faire encore. Je ne suis pas découragé. Je suis conscient de ces écarts. A chaque triathlon, je me retrouve dans cette situation où les premiers ont terminé alors que je n’ai pas commencé à courir…
En poussant le vélo dans le parc, je passe devant la tente des kinés qui me proposent un massage. Compte tenu des crampes qui ne m’ont pas lâché sur le vélo, je leur dis être intéressé. Mon intention étant de revenir les voir. J’ai la surprise de voir 2 kinés me suivre jusqu’à ma chaise. J’ai alors droit à un double massage cuisse mollet, assis sur ma chaise, tout en commençant à me changer. Top ! Elle n’est pas belle la vie ?
Puis séance de changement pour mettre la trifonction. Cette fois-ci, cela se passe directement à ma place. Les quelques minutes perdues à me changer en T1 ont bien failli m'être fatales. Je ne refais plus la même erreur. Je sors du parc au moment même où le cut-off tombe pour les vélos. J’ai 0 mn d’avance sur la suite. Il est 17h15. Je suis en route depuis 6h00 du matin. Je dois maintenant terminer le marathon et j’ai 6h00 pour le faire. 3 tours de 14km, avec un cut off à chaque tour. Je passe devant ma femme qui me demande si je suis certain de vouloir continuer. Quelle question… Bien sûr que oui. Je me suis battu pour pouvoir avoir le droit d’y participer. Elle m’expliquera ensuite en avoir vu pleurer de longues minutes sur leur chaise au retour de vélo, ainsi que quelques passages d’ambulances. Elle est inquiète, c’est sûr. Je croise alors Jérôme qui termine son deuxième tour. Il paraît bien. Impressionnant.
La suite est compliquée. Il fait très chaud. Des éponges sont distribuées. Je fais toutefois attention à ne pas mouiller mes chaussures pour éviter de courir les pied humides. Après une petite boucle de 3km le long du lac, je repasse devant ma femme où je prends le temps cette fois-ci de lui parler pour faire état de mon état physique et mon état d’esprit. Puis c’est reparti. Le parcours n’est pas plat, faux plats montants et descendants, et une belle montée jusqu'à Embrun de 1,5km à 5% (dont 500m à 8%). Inutile de courir, j’ai pris le parti de marcher, comme tout le monde d’ailleurs. J’arrive à courir à une allure entre 6 et 7 mn/km, et à marcher (en marche rapide) entre 8 et 9 mn/km. J’alterne alors ces allures pendant le parcours. Je croise alors Marc. Nous sommes mutuellement contents d’être encore dans la course. Un peu plus loin, j’entends un « Allez Laurent » à mon passage. Je suis surpris car n’ayant pas mon prénom sur mon dossard (inscription tardive), comment cette personne peut-elle me connaitre. Je me retourne et trouve Xavier assis par terre. Il m’explique être à son premier tour de course à pied, et avoir le ventre en vrac, incapable de manger quoi que ce soit. Dur pour lui. Je repars, désolé, mais ne pouvant pas grand-chose pour lui. Au moins, il n’est pas seul, une personne de son entourage était avec lui.
Les spectateurs sont nombreux sur tout le parcours, et les encouragements sont légions et semblent sincères. Quelque chose d’incroyable. Toute la ville semble vibrer pour cette course. C’est quelque chose d’incroyable qui compense largement la difficulté de l’épreuve, et qui fait de cette course l’une des plus belles et intenses en émotions que j’ai pu faire. Rien à voir à l’Ironman de Nice auquel j’ai participé l’année dernière où même s’il y avait du monde sur la promenade des anglais, je n’ai pas ressenti cette proximité avec le public, cette sincérité... Je retrouve également ma femme en plusieurs endroits, elle m’accompagnera d’ailleurs sur certains tronçons que j’effectue en marchant. Là encore, le soutien est inestimable. J’arrive à boucler mon premier tour en 1h50, soit 15mn de gagné sur le cut-off. Quelques secondes auparavant, j’avais entendu le speaker annoncer l’arrivée de Jérôme, que je félicite en passant sur le côté de la ligne d’arrivée. Quel champion ! Boucler l’Embrunman en 13h… Bravo !
De mon côté, j’ai encore 28km à faire, comme me le fait remarquer le speaker. Rapide bilan après ce premier tour effectué : ça va. Le rythme me convient. Cette alternance de course à pied/marche rapide permet de m’économiser sur les parties montantes. De toute façon, marcher ne suffirait pas à boucler. Côté fatigue, les jambes sont dures, mais j’en ai vu d’autres. Côté alimentation, oranges et un peu de banane à chaque ravitaillement, sans en louper un cette fois-ci. Je bois un verre de coca et un verre d’eau à chaque fois également. Le soleil est encore là, mais moins chaud. J’ai arrêté de prendre les éponges car le séchage devient difficile. Je suis conscient que le reste de la course va être plus compliqué. Il va faire plus frais, la nuit va tomber, les spectateurs vont rentrer chez eux et les coureurs vont disparaître petit à petit du parcours…
Mais pour le moment, je profite des encouragements. Le deuxième tour est similaire au premier. Des crampes aux mollets sont toutefois apparues, m’obligeant à effectuer régulièrement des étirements. Je marche quand c’est trop compliqué de courir, et j’arrive à garder ce rythme de marche rapide qui me permet malgré tout de doubler des participants en train de marcher. Je retrouve régulièrement Fred sur le parcours, et à l’occasion d’un tronçon en marchant, elle me fait la lecture des commentaires laissés par la famille, les amis… C’est intense en émotion. Merci à vous.
Dans ma tête, je calcule sans arrêt mes chances de terminer dans les temps, compte tenu de mon avance, de mon rythme… Je termine mon 2ème tour dans le même temps que le 1er. J’ai donc maintenant 30mn d’avance sur le cut-off. A partir de là, je sais que je vais le terminer en gardant la même gestion de course. Comme prévu, l’ambiance de course a changé. Il commence à faire noir, limite froid. Je regrette de ne pas avoir laissé coupe vent et frontale dans un sac que l’organisation permet de préparer pour la partie course à pied (mais je ne le savais pas, il n’en est pas fait état dans le règlement). J’ai prévu de retrouver Fred à un endroit pour faire la grosse montée et la traversée de la ville avec elle. C’est un moment magique où les touristes, qu’ils soient attablés en terrasse, en train de déambuler dans la rue piétonne ou en train de manger une glace vous acclame et vous encourage de la même façon. Je salue pour la dernière fois les bénévoles présents aux ravitaillements ou aux carrefours. Un grand merci à eux, ils étaient vraiment nombreux sur tout le parcours pendant toute la journée, et d’une extrême gentillesse.
Je dépasse pour la x-ème fois un concurrent en train de marcher et avec qui j’échange quelques mots depuis le début de la course. Je sais que je le reverrais tout à l’heure quand ce sera à mon tour de marcher. Un peu plus loin, je retrouve Marc à peu près au même niveau que sur le premier tour. Il doit lui rester 2km. Il me lâche « on va le finir mon pote ». C’est vraiment tout bon…
Il fait vraiment noir dans cette partie en contrebas d’embrun. La pleine lune ne s’est pas encore levée. Fred m’a laissé un téléphone portable pour que je puisse m’éclairer, s’agissant de chemins caillouteux. Je savoure ces derniers kilomètres effectués dans le noir, en quasi solitude. Plus rien ne peut m’empêcher d’être finisher maintenant. Sur le retour, je croise des participants en me demandant s’ils seront dans les temps pour finir.
Le dernier kilomètre permet de retrouver lumière et encouragements des spectateurs. Les douleurs s’estompent, le rythme s’accélère et je me présente au début du tapis bleu pour une dernière ligne droite. Je profite des acclamations du public. C’est fait ! Je suis finisher en 16h52. 23mn devant la barrière horaire, qui m’aura décidément accompagné toute la course durant. Fidèle supportrice également, Fred m’attend dans le public.
Grosse satisfaction donc d’avoir terminéc ette course mythique (considéré comme l'un des triathlon les plus durs au monde), sans préparation spécifique. Cela me vaut de terminer en fin de classement, mais de terminer tout de même (compter 900 finishers pour environ 200 abandons et hors délais).
Je me rends compte tout de même que j’avais un niveau limite sur le vélo pour affronter la montagne dans le rythme imposé. Je m’en sors de justesse. Il y a même largement de quoi progresser dans chacun des 5 slots de l’épreuve…
Je termine fatigué bien entendu, mais dans un bon état physique. Au moment où j’écris ces lignes (2 semaines après), j’ai repris l’entrainement en vue d’un prochain défi auquel je viens de m’inscrire sur le tard (ça devient une habitude) : le challenge 86 du Trail de la côte d’Opale début septembre : 24km+62km de trail sur un week end. Viendra ensuite l’ironlake où je ne m’alignerai que sur le half. Il faut savoir rester raisonnable…
Superbe épreuve au final. Quelque chose me dit que ce n'est pas la dernière fois que je m'y alignerai...